Panoramiques 3 2016
Galerie d’art de l’Alliance française de Sabadell, Catalogna, Spain
Panoramiques 3: view of exhibition — Photo 1
Création: Paper, reflective silver mylar, text, natural light — 400 x 400 x 10 cm — Photos 2 à 3
February 11 2016, Hanford, Washington and Livingston, Louisiana — Paper, text, light — 600 x 350 x 15 cm — Photos 4 à 5
Être: Paper, text, natural light, steel structure — 80 x 150 x 25 cm — Photo 6
English text under translation.
Trois artistes se succèdent le temps d’une saison à la Galerie de l’Alliance Française de Sabadell.
Deux pièces rectangulaires, l’une longue, l’autre plus petite et étroite, deux portes et trois grandes fenêtres, le reste est tout de mur. C’est là que Gloria Massana, Michelle Héon et Gilles Morissette vont s’installer tour à tour. Chacune des propositions s’annonce comme une réflexion singulière de ce rapport au lieu. Panoramiques, c’est précisément ce passage de relais de l’un à l’autre.
Panoramiques : tout l’espace de la galerie métamorphosé en acte pour donner sens à la vie, celle du lieu d’abord, un lieu traversé, un lieu de vie justement : lieu d’apprentissages, d’échanges et de diffusions des savoirs, un lieu de convivialité aussi.
Autre vision, autre démarche chez Gilles Morissette dont l’œuvre nous entraine aussitôt dans l’univers éthéré des hautes sphères.
Ce troisième Panoramiques utilise la lumière naturelle que dispensent les grandes baies de la salle d’exposition pour mieux en spéculer les effets.
L’ensemble est clair et doux, -des blancs tons sur tons, un grand pan blanc argenté au fond, deux grandes spirales sur le mur de droite-, bientôt déjoué par le contraste d’une « chemise » sombre, noire en fait, et de quelques formes curieuses comme de grandes lames pointues, noires également…
De près, c’est la qualité de la délicate matière qui ravit : toutes les œuvres sont réalisées en papier, du papier fait main.
Creation is a large sheet of paper-matter, pasted on a fine silver paper. How can one not think, in front of this reflective surface that welcomes the daylight, of Brunelleschi's and Uccello's first experiments on perspective? What can we see here if not a story in the making? Creation of oneself to give a meaning to one's life, precisely the whole project of Western art: a speculation through which the crossed destinies of man and his god can be tied.
Creation is as much about this history as it is about going beyond it: the polished silver armor of Uccello's battle reflected the shapes, colors and movements of the Medici's guests, bringing life to the place where, in the work, it had withdrawn.
Gilles Morissette invites his visitor to pass in front of the large silver panel, the emotion of a swinging leaf, to discover -see and read at first- the signs: letters, words and then the sentence, which according to the incidence of the light and the insistence of the displacement, will progressively give "meaning to his life".
Creation: vibrations, bursts of being, words as a path of clarity...…
Hanford/ Washington et Livingston/Louisiane 11 février 2016, est une œuvre qui fait référence à une découverte scientifique confirmée il y a peu, grâce à LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) : la collusion de deux trous noirs il y a 1,3 milliard d’année-lumière.
Ici, plis de claire dentelle pour retenir l’infini : deux spirales affrontées fines et fermes et la phrase-titre comme un dessin de givre sur une vitre. Il s’agit donc littéralement d’une sidération… à partir de laquelle chacun devra construire et reconstruire infiniment sa propre histoire.
© Gilles Morissette 2016
« Être: Qu’aurait à voir cette autre pièce, « chemise noire », en face de ces frêles volutes envolées ?
J’y vois, pour ma part, l’interprétation inversée et très contemporaine de L’homme de Vitruve, version sombre de temps sombres, où l’humain, plus démuni et désenchanté que jamais, buste vide, séparé de tout, à commencer par son propre corps, flotte en perdition dans un univers abyssal : Homo tragicus.
Et pourtant cette dentelle admirablement ciselée d’une œuvre -dont on peut dire que la profondeur se tient à fleur de papier, comme on dit à fleur de peau-, n’est-elle pas notre chance de recommencement?
Car n’est-ce pas notre présence au monde que l’art consacre ? Une présence comme un cadeau, celui d’être là, ensemble, ouverts à la rencontre aussi merveilleuse qu’angoissante « parce que quelque chose est là qui pourrait n’être pas et qui est toujours autre encore que tout ce qu’on peut en savoir » (Marc Le Bot)
L’art pour dire l’énigme du réel, cette relation très particulière que nous entretenons avec le monde, l’art aussi comme acte de résistance que le vivant oppose aux forces de dissolutions, l’art pour dire que nous n’épuiserons pas notre admiration. »
© Sabine Barbé 2016, Historienne de l’art, Paris, France